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En tant qu'architecte, vous avez souscrit une assurance de responsabilité civile professionnelle. Un litige avec l'un de vos clients est en cours, mais vous avez totalement oublié de déclarer le chantier à votre assureur. Il refuse donc de vous garantir d'éventuelles condamnations à venir. Est-ce totalement perdu ? Pas si sûr…


Vous avez bien une obligation de déclarer à l'année N+1 les chantiers auxquels vous avez participé et le montant des honoraires perçus à ce titre à votre assurance.

Le défaut de déclaration était généralement sanctionné par un refus de garantie pour non-respect d'une condition essentielle de garantie prévue par le contrat d'assurance, à savoir la déclaration du risque.

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation spécialisée en droit des assurances a ouvert une brèche par arrêt du 26 novembre 2020 (Cass. civ. 2ème, 26 novembre 2020, n°18-10.190) sur le fondement des articles L.113-9 et L.113-10 du Code des assurances.

Normalement, l'omission d'une déclaration auprès de l'assureur est sanctionnée soit par l'article L.113-9 du Code des assurances, soit par l'article L.113.10 du Code des assurances.

Quelques explications en droit des assurances et non-déclaration...

L'article L.113-9 du Code des assurances dispose ainsi :

L'omission ou la déclaration inexacte de la part de l'assuré dont la mauvaise foi n'est pas établie n'entraîne pas la nullité de l'assurance.

Si elle est constatée avant tout sinistre, l'assureur a le droit soit de maintenir le contrat, moyennant une augmentation de prime acceptée par l'assuré, soit de résilier le contrat dix jours après notification adressée à l'assuré par lettre recommandée, en restituant la portion de la prime payée pour le temps où l'assurance ne court plus.

Dans le cas où la constatation n'a lieu qu'après un sinistre, l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés.

Autrement dit, l'assureur peut réduire son indemnisation sur le litige du montant en proportion du taux des primes (cotisations) qui auraient été dues si le chantier avait été complètement déclaré.

Il appartient au juge de fixer le montant de la prime d'assurances qui aurait été due. Ce montant peut parfois excéder le montant de l'indemnisation octroyée, ce qui signifie de facto une absence de garantie par l'assureur.

L'article L.113-10 du Code des assurances dispose :

Dans les assurances où la prime est décomptée soit en raison des salaires, soit d'après le nombre des personnes ou des choses faisant l'objet du contrat, il peut être stipulé que, pour toute erreur ou omission dans les déclarations servant de base à la fixation de la prime l'assuré doit payer, outre le montant de la prime, une indemnité qui ne peut en aucun cas excéder 50 % de la prime omise.

Il peut être également stipulé que lorsque les erreurs ou omissions ont, par leur nature, leur importance ou leur répétition, un caractère frauduleux, l'assureur est en droit de répéter les sinistres payés, et ce indépendamment du paiement de l'indemnité ci-dessus prévue.

Autrement dit, l'assureur peut exiger que l'assuré paie le montant de la prime si le risque avait été déclaré et une pénalité ne pouvant en aucun cas excéder 50 % de la prime omise.

Mais l'article L.113-10 du Code des assurances ne s'applique qu'en présence d'une stipulation expresse dans la police d'assurance (conditions générales ou conditions particulières). Sous une telle hypothèse, l'assureur ne peut plus se prévaloir de la sanction de l'article L.113-9 du Code des assurances discutée plus haut et doit donc fournir une garantie intégrale.

L'éclaircie de la deuxième chambre civile : faire prévaloir les sanctions du Code des assurances en matière de non-déclaration

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation (spécialisée en droit des assurances) a été confrontée à un architecte ayant omis de déclarer son chantier. L'assureur avait ainsi refusé d'accorder sa garantie. La Cour d'appel de Paris avait appliqué la sanction de l'article L.113-9 du Code des assurances.

La position de la Cour d'appel de Paris était conforme à la jurisprudence de la troisième chambre civile de la Cour de cassation spécialisée en droit de la construction (voir récemment : Cass. civ. 3ème, 1er octobre 2020, n°19-18.165 ou Cass. civ. 3ème, 1er octobre 2020, n°18-20.809). En effet, cette chambre considère que :

Lorsque, dans un contrat d'assurance de responsabilité professionnelle d'un architecte ne relevant pas de l'assurance obligatoire, une clause fait de la déclaration de chaque chantier une condition de la garantie, cette clause doit recevoir application, de sorte que l'absence de déclaration d'un chantier entraîne une non-assurance.

Autrement dit, la prise d'effet de la garantie est conditionnée à la déclaration obligatoire du chantier. A défaut, la garantie n'a jamais commencé selon la troisième chambre civile de la Cour de cassation.

La sanction est lourde : absence de garantie totale par l'assureur.

Cette position a été l'objet de débats très vifs d'un point de vue juridique, car cela apparaît être contraire aux dispositions d'ordre public des articles L.113-9 et L.113-10 du Code des assurances. Elle signifie indirectement que l'assureur conclut finalement un contrat d'assurance distinct pour chacun des chantiers, alors que l'objet au départ est d'assurer une activité professionnelle. De plus, la victime se retrouve sans aucune chance de recouvrer une indemnité alors que l'architecte lui avait communiqué une attestation d'assurance valable.

Par arrêt du 26 novembre 2020 (Cass. civ., 2ème, 26 novembre 2020, n°18-10.190), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a remis en cause l'interprétative restrictive de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en privilégiant l'application des sanctions du Code des assurances.

Elle ouvre la possibilité de la sanction de l'article L.113-10 du Code des assurances par paiement de la prime et une pénalité en lieu et place d'une absence totale de garantie.