Peut-on refuser l'embarquement d'un voyageur détenant un passeport français périmé depuis moins de 5 ans ? Non, s'il voyage vers l'un des pays signataires de l'Accord européen sur le régime de la circulation des personnes entre les pays membres du Conseil de l'Europe du 13 décembre 1958.
Contrairement à une idée reçue, il est possible de voyager en Europe avec un passeport périmé depuis moins de 5 ans en application d'un Traité international, à savoir l'Accord européen sur le régime de la circulation des personnes entre les pays membres du Conseil de l'Europe du 13 décembre 1958.
Le champ d'application de ce Traité ne correspond pas à l'Union européenne, mais inclut d'autres pays en Europe comme l'Allemagne, la Grèce, le Portugal, la Moldavie, la Suisse, l'Ukraine et même... la Turquie et exclut certains pays de l'Union européenne (Danemark, Croatie, Irlande, Roumanie...).
L'Accord européen sur le régime de la circulation des personnes entre les pays membres du Conseil de l'Europe du 13 décembre 1958 s'applique pour les voyages de moins de 3 mois et à but non lucratif. L'annexe de la France mentionne ainsi comme documents de voyage autorisés :
Conformément à l'article 11 de l'Accord, le gouvernement français actualise la liste des documents contenue à l'Annexe à l'Accord, aux fins de l'article 1 (1) de l'Accord, comme suit :
- Passeport national de la République française, en cours de validité ou périmé depuis moins de cinq ans;
- Carte nationale d'identité de la République française, en cours de validité.
Refus d'embarquement à l'aéroport et passeport périmé : faute de la compagnie aérienne !
Malgré l'existence de ce Traité, la compagnie EasyJet a refusé l'embarquement de passagers pour un voyage en Grèce en raison du caractère périmé des passeports présentés à l'embarquement. Mal lui en a pris...
Les passagers relativement énervés et déçus d'avoir payé des vacances en Grèce sans en bénéficier vont saisir les juridictions françaises.
Par arrêt du 5 février 2020 (Cass. civ.1ère, 5 février 2020, n°18-15.300), la Cour de cassation va faire droit aux demandes des passagers. Le refus d'embarquement pour passeport périmé n'est pas légitime :
6. Pour rejeter les demandes de Mme X..., le jugement retient qu'en application de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004, une carte d'identité ou un passeport en cours de validité est obligatoire pour se rendre et séjourner trois mois maximum sur le territoire d'un Etat membre et que ces dispositions sont applicables de droit dans chaque Etat membre.
7. En statuant ainsi, alors que l'accord du 13 décembre 1957, ratifié par la France et par la Grèce, doit recevoir application nonobstant la directive 2004/38/CE, et que, pour la France, les documents mentionnés à l'annexe de l'accord sont le passeport national de la République française, en cours de validité ou périmé depuis moins de cinq ans, et la carte nationale d'identité de la République française, en cours de validité, le tribunal d'instance a violé les textes susvisés.
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Le texte de l'arrêt de la Cour de cassation du 5 février 2020 :
Arrêt n°94 du 05 février 2020 (18-15.300) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2020:C100094 Transports aériens Cassation
Demandeur(s) : Mme A... X... ; et autres
Défendeur(s) : société Go voyages ; et autres
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Paris 9e, 14 février 2018) et les productions, le 21 juin 2016, Mme X... a acquis, pour elle-même et son fils alors âgé de neuf ans, tous deux ressortissants français, un séjour touristique en Grèce comprenant le vol et l'hébergement, de la société Go voyages (l'agence de voyages), le vol étant assuré par la société EasyJet Airline Company Limited (le transporteur aérien).
2. Le 9 juillet 2016, ils se sont présentés au départ. Le transporteur aérien a refusé l'embarquement de l'enfant, au motif que son passeport était périmé depuis le mois de mai 2013.
3. Le 13 juin 2017, Mme X..., agissant en son nom et en celui de son fils mineur, a assigné l'agence de voyages et le transporteur aérien en indemnisation.
Examen du moyen
Sur le moyen relevé d'office
4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du code de procédure civile.
Vu l'accord européen du 13 décembre 1957 sur le régime de la circulation des personnes entre les pays membres du Conseil de l'Europe, et la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres :
5. Selon le point 1 de l'article 1er de cet accord, les ressortissants des Parties contractantes, quel que soit le pays de leur résidence, peuvent entrer sur le territoire des autres Parties et en sortir par toutes les frontières sous le couvert de l'un des documents énumérés à l'annexe audit accord, qui fait partie intégrante de celui-ci.
6. Pour rejeter les demandes de Mme X..., le jugement retient qu'en application de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004, une carte d'identité ou un passeport en cours de validité est obligatoire pour se rendre et séjourner trois mois maximum sur le territoire d'un Etat membre et que ces dispositions sont applicables de droit dans chaque Etat membre.
7. En statuant ainsi, alors que l'accord du 13 décembre 1957, ratifié par la France et par la Grèce, doit recevoir application nonobstant la directive 2004/38/CE, et que, pour la France, les documents mentionnés à l'annexe de l'accord sont le passeport national de la République française, en cours de validité ou périmé depuis moins de cinq ans, et la carte nationale d'identité de la République française, en cours de validité, le tribunal d'instance a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 14 février 2018, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Paris 9e ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris ;
Président : Mme Batut
Rapporteur : Mme Le Gall, conseiller référendaire
Avocat général : M. Lavigne